Les films de ma vie.
Les
cinéphiles aiment les listes, classements et autres tops aussi inutiles
qu’indispensables à l’affirmation du goût critique. En voici un petit exemple,
avec une sélections de 20 films ayant marqué mon imaginaire de spectateur,
réalisé il y a quelques années pour le site DVDrama.fr.
20. Escape from L.A. (Los Angeles 2013) de John Carpenter (1997) USA.
Il est d’usage, dans ce type d’exercice cinéphilique, de confier la dernière
place de son classement à une œuvre considérée comme mineure, mais auquel
l’auteur de ladite liste est particulièrement attaché pour des raisons personnelles
ou sentimentales. C’est ainsi que l’on trouvera des films comme Le Pacte des
loups ou Zoolander toujours en DERNIÈRE place des classements des 10
meilleurs films de l’année, tout en pensant bien qu’ils n’ont pas vraiment leur
place au milieu des neuf autres chefs d’œuvre annuels qui l’accompagnent. C’est
donc grâce à cette loi exceptionnelle que Los Angeles 2013, s’il était
en dixième position dans mon classement de 1997, se voit propulsé à la
vingtième place de mon top 20 des films de ma vie, battant sans aucune logique
les autres films de l’année, qui lui étaient naguère si évidemment supérieurs.
Il faut dire que le temps a joué en faveur de cette seconde évasion de Snake
Plisken et que ce qui apparaissait à l’époque comme un petit Carpenter arrivant
après le monument d’horreur conceptuel qu’est In the mouth of madness
est maintenant pour moi le dernier chef d’œuvre d’un cinéaste déjà anachronique
au moment ou il réalise le film.
Car si les effets spéciaux et les codes
narratifs datés faisaient plutôt rire en 1997, il semble aujourd’hui que Carpenter avait plutôt dix ans
d’avance que de retard, en réalisant dans
les années 90 une vraie série B comme dans les années 70, bien avant le duo Tarantino/Rodriguez et leur Grindhouse. Et le film, avec ses retournements improbables, ses
guests hilarants (Steve Buscemi, Pam Grier en travesti) et son iconique
anti-héros Snake Plisken demeure une des œuvres les plus subvertissement fun du
cinéma. Carpenter utilise l’air de rien les codes de la série B pour faire parler
ses pulsions anars (voir la dernière scène, une des plus belle de toute
l’histoire du cinéma, ou Snake Plisken éteint la planète et la revoie à l’age
de pierre, histoire qu’on le laisse fumer sa clope tranquille) et mitraille
l’american way of life, en faisant apparaître les piliers de sa culture
californienne comme autant de dangers et d’épreuves que doit traverser Plisken
(chirurgie esthétique, Surf, Basket Ball, ou star-system hollywoodien). Les
Etats-Unis sont décrits comme une dictature liberticide, gouvernée par une
crapule faible et hypocrite à une période ou Hollywood voyait plus volontiers
son président comme un leader charismatique (1997 est aussi l’année d’Independance
Day). Escape from L.A., loin d’être un film mineur, est donc bel
bien le couronnement esthétique comme idéologique de la carrière sans faute de
Carpenter, en attendant avec espoir le prochain film du meilleur des maîtres de
l’horreur. Et même s’il y avait 21 places dans ce classement, c’est bien
toujours à la vingtième que resterait ce film.
19. Man on the Moon de Milos Forman (1999) USA.
Avant ce
film, Jim Carrey m’énervait plus qu’aucun autre acteur comique : non seulement
il (sur)jouait dans de médiocres films comiques pas vraiment drôles, mais en
plus, il plombait par sa présence de mauvais comic-books movies comme The
Mask ou Batman et Robin, qu’il rendait, chose incroyable, encore
plus insupportables. C’est que la grimace cachait l’acteur. Milos Forman (Amadeus,
Vol au dessus d’un nid de coucou, mais aussi de mélancoliques
comédies surréalistes tchèques comme Au feu les pompiers ou L’as de
pic…), réalisant justement un film sur le sujet, lui fait alors porter le
masque ultime : celui d’Andy Kaufman, comique avant-gardiste américain adulé
aussi bien par Michael Stipe (qui signe avec son groupe REM la musique du film)
que par Danny de Vito (avec qui Kaufman a joué dans la sitcom Taxi et qui interprète dans le film George Shapiro, le producteur de Kaufman).
Je découvre alors grâce à Man on the Moon (son interprétation dans le très K-Dikien Truman Show était loin de m’avoir convaincu) un nouveau Jim Carrey, acteur génial et protéiforme, capable comme Peter Sellers de montrer le malaise et l’obsession sous le masque et comme Chaplin de faire pleurer avec des grimaces. Il faut dire que le rôle d’un homme qui peut porter masque sur masque jusqu’à effacer, à force de visages et de personnalités différentes, son identité propre est parfait pour Jim Carrey, qui arrive à profondément toucher lorsqu’on ne sait plus si l’inquiétude et le désespoir du personnage sont réels ou feints. C’est que le comique qu’interprète Carrey a repoussé si loin la frontière entre le jeu et la réalité, l’art et la vie, le happening et le dérapage, qu’il la effacée, perdant peu à peu, à force de faux semblant et de jeux de miroirs le contrôle de sa propre existence. Le sujet est aussi parfait pour Forman, qui continue après son biopic sur Larry Flint son exploration des grandes figures populaires américaines, tout en y insérant ses propres obsessions sur la manière dont l’art, confronté à son inadéquation avec la médiocrité du monde et les attentes sociales qu’il impose, amène le génie à la destruction et à la folie. Amadeus n’est bien sûr pas loin, mais la perte du personnage, si elle est peut-être moins baroque et universelle, est tout aussi belle, car plus humaine et plus touchante.
18. Oz série crée par Tom
Fontana et produite par HBO (1997-2003) USA.
A une période où les téléspectateurs du monde entier chantait les louanges de bien lisses histoires d’évasions de prison par un bellâtre surdoué et son frère qui joue les gros durs alors qu’il est innocent, il est salvateur de se replonger au sein d’Emerald City, quartier expérimental de la prison d’Oswald, peuplé de vrais criminels, violeurs et violeurs, qui ne sont pas là pour s’évader (même si ça arrive aussi parfois) ou déjouer un complot international, mais qui essayent plus modestement de survivre le temps de purger leurs peines. Jamais la réalité de la condition carcérale n’aura été aussi scrupuleusement décrite que dans Oz, qui déploie sur six saisons et 64 épisodes son univers désespéré, qui broie et détruit ses personnages corrompus par leur lute pour le pouvoir dans les quelques mètres carrés qui limitent leur horizon. Il faut dire que l’espace restreint de la prison suffit pour imposer une image totale de la société américaine, tant Oz marche comme un échantillon représentatif de celle-ci, et la prison comme une métonymie de ce qu’elle a de pire. Mais au delà de cette portée sociale, ce sont surtout les parcours individuels et leurs échecs qui marquent chaque spectateur de la série à vie : le tragique destin d’Alvarez, l’idéalisme souvent déçu de Karem Saïd et de Mac Manus, la rivalité destructrice entre Beecher et Schilinger, ou la folie brutale d’Adebissi. Et le pire, c’est que l’on arrive même parfois à ressentir de la pitié et de la sympathie pour les pires des salopards, génialement aiguillé par le brio des scénaristes, à l’image du parcours O’Reily, tour à tour manipulateur vicieux, amoureux romantique, meurtrier de sang froid, frère dévoué et protecteur, etc. Voilà autant de personnages qui font de la devise du Magicien d’Oz : « There is no place like home » la leur, tant la prison est finalement devenu dans une cynique inversion le seul lieu où ils se sentent chez eux et ou ils ont encore quelques repères. Si l’on dit qu’on apprend autant en un mois de prison qu’en un an de vie normale, on gagne certainement beaucoup en maturité et en expérience en regardant Oz.
17. They died with their boots on (La Charge fantastique) de
Raoul Walsh (1941) USA.
Que les personnes qui vont au cinéma pour apprendre quelques vérités historiques passent leur chemin ou se tournent vers l’excellent film d’Arthur Penn sur Little Big Horn, tant la vie du général Custer conté par Raoul Walsh et Errol Flynn prend ses distances avec la réalité et l’Histoire. Mais le cinéphile avide de voir un des plus beaux films classiques et de découvrir comment la vie est captée dans ses contradictions et sa complexité par la caméra de Raoul Walsh ne se lassera pas de revoir ce film. Le cinéma de Walsh suit souvent un rythme binaire, à l’image de la structure narrative du film, déchiré entre une description de la jeunesse de Custer enjouée, vive et alerte, ou les scènes de batailles victorieuses suivent joyeusement des scènes de séductions comiques, et entre une vie adulte plus sombre, rongée par l’alcoolisme et le souvenir de la gloire passée. Cette seconde partie culminera émotionnellement dans la tragique bataille de Little Big Horn. C’est pourquoi dénier à ce film tout réalisme sous prétexte que l’Histoire y est malmenée (nous sommes en 1941 et certainement pour la propagande, la figure de Custer, en vérité un fou raciste, est érigée comme exemple militaire héroïque) est absurde, la relation de Custer avec l’Alcool (Walsh et Flynn savent ici de quoi ils parlent…) ou avec ses supérieurs militaires sont par exemple décrits de manière tout à fait crédible. Mais ce réalisme des situations s’oppose bien à l’héroïsation et à la mythification des personnages que souhaite aussi Walsh, comme la jeunesse du personnage s’oppose à sa maturité, ou l’humour et la légèreté du début à la noirceur et la tristesse de la fin du film. Cette binarité, qui caractérise le cinéma de Walsh, construit alors la fiction, non en imprimant la légende, mais entre le réalisme et le mythe, laissant ainsi mieux passer la vie. Cette captation de la vie bouleverse à la fin du film, lorsque Custer part au front et dit adieu à sa femme qui le sent condamné. Qu’importe l’Histoire lorsque l’on nous offre de telles scènes ?
16. Monty Python and the Holy Grail (Monty Python sacré grail) de
Terry Jones et Gilliam (1975) GB.
C’est le
film le plus drôle du monde. On y trouve les Monty Python les plus drôles du
monde, les chevaliers, qu’ils soient de la table ronde ou qu’ils disent « NI »
les plus drôles du monde, les sorcières les plus drôles du monde, la grenade
sacrée la plus drôle du monde, des faux chevaux les plus drôles du monde, la
course de Lancelot attendu par de bien passifs gardes la plus drôle du monde,
des français qui disent les insultes les plus drôles du monde, le lapin tueur
le plus drôle du monde, le Tim l’enchanteur le plus drôle du monde et quelques
autres trucs amusants parmi les plus drôles du monde. Quand je vous disais
qu’il s’agit là du film le plus drôle du monde...
15. Lost Highway de David Lynch (1997) USA.
Ni un art,
ni une industrie : un mystère. Cette phrase de Jean-Luc Godard sur le cinéma
pourrait bien caractériser la filmographie de Lynch et plus particulièrement Lost Highway. Dans ses autres films,
David Lynch nous laisse généralement le choix : on peut soit n’y rien
comprendre soit jouer au puzzle avec les scènes pour y trouver un sens. Le
cinéphile rationaliste peut interpréter à l’infini le rapport entre cinéma et
réalité dans INLAND EMPIRE ou peut
trouver une explication à Mulholland Dr. jouant
sur la description d’une même réalité, revêtant tantôt l’apparence du rêve dans
la première partie, tantôt celle du cauchemar dans la seconde. Mais même en y
plaquant une grille de lecture blue velvetienne, considérant la fréquence du
dédoublement des personnages dans les films de Lynch, la fusion du rêve et de
la réalité ou la circularité du temps, Lost
Highway échappe à tout raisonnement intellectuel et reste imperméable à
toute exégète.
Le film épouse tout du long et comme dans les films noirs, le point de vu de son narrateur, interprété dans un premier temps par Bill Pullman avant qu’il ne change de personnalité et nous de film. Ce double personnage semble avoir fait sienne les paroles du générique chanté par David Bowie, qui s’exclame sur une autoroute perdue dans la nuit : « I’m deranged ». Et adopter la vision d’un schizophrène sans médiation extérieure pendant tout un film consiste à réaliser un film fou sur la folie. Comme le dit Fred Madison à l’homme mystère après l’avoir appelé chez lui au téléphone alors qu’il se trouve en face de lui dans une villa d’Hollywood Hills : « It’s fucking crazy, man ».
14. Peeping Tom (Le Voyeur) de Michael Powell (1960) GB.
1960 fut, en tout cas au cinéma, une bonne année pour les sérial killers, puisqu’elle montra à des milliers de spectateurs l’œuvre de Norman Bates dans le Psychose d’Alfred Hitchcock, film à l’énorme postérité, aussi bien pour le cinéma du Nouvel Hollywood (avec au hasard la filmographie de De Palma) que pour le genre populaire du slasher. Mais cette même année, un autre tueur en série, moins connu mais tout aussi génial, officiait dans le pays d’origine du maître du suspense. Peeping Tom de Michael Powell offre un contrepoint quasi-parfait au film d’Hitchcock : à son cynisme, il oppose sa poésie, au noir et blanc des couleurs vives et magnifiques, et à la froideur d’Hitchcock, un humanisme resplendissant. Mais si le contrepoint esthétique est total et pour le moins déroutant (le film connu un tel échec qu’il mit presque fin à la pourtant prestigieuse carrière de Powell), le film n’en reste pas moins terrifiant et apparaît comme un vrai film d’horreur. Peeping Tom met en effet pour la première fois le doigt sur l’idée que rien ne fait plus peur, au cinéma comme dans la vie, que la contemplation de la peur, et plus particulièrement de sa propre peur. Le film met alors la peur en abîme, et orchestre de magnifiques meurtres, génialement chorégraphiés et filmés. C’est ainsi que toutes les mises en scène des crimes donnent l’impression d’être filmé dans du coton, et entraînent un sentiment trouble, mélange d’effroi, de tristesse et de mélancolie. Peeping Tom ajoute donc à sa terrifiante beauté stylistique une importance théorique fondamentale pour le cinéma d’horreur, et surpasse à mon sens le classique d’Hitchcock.
13. Histoire(s) du Cinéma de Jean-Luc Godard (1988-1998) Fr.
Œuvre inclassable dans la filmographie déjà inclassable de Godard, les
Histoire(s) du Cinéma peuvent s’apparenter à un autoportrait en montage ou à un
testament cinématographique de JLG. Lui-même se voit en effet presque comme un
fantôme dans son film, qu’il hante comme une ombre entourée de défunts : « Becker, Rosselini, Lang, Truffaut, c’était
mes amis », l’entendons nous dire au détour de citations. Le projet
lui-même est aberrant : puisque toutes les histoires ont été filmés, il est
inutile de tourner d’autres images, et utiliser celles existantes en les
montant de toutes les façons possible suffit à raconter l’art, le cinéma, la
vie, le monde, et aussi à ériger un monument à sa propre mémoire. Mais les Histoire(s),
c’est aussi l’apogée théorique de Godard critique, qui parsème son œuvre de
discours sur l’art et le monde, déjà devenus célèbres. On y découvre ainsi la
fameuse thèse de Godard, selon laquelle Hitchckock aurait réussit là où «
Napoléon, César ou Hitler ont échoués : c'est-à-dire devenir le maître du monde ». Godard nous montre encore en superposant peintures impressionnistes et films
muets comment le cinéma tire son essence, plus encore que du théâtre, de la peinture
et en quoi Monet est ainsi le premier cinéaste. C’est certes grandiloquent et
égocentriste au point d’en devenir parfois énervant, mais ça reste toujours
génial, et pour trouver une œuvre d’une telle ampleur dans le cinéma français,
il faut remonter au moins jusqu’au Napoléon d’Abel Gance. Même Godard
devient au final touchant dans le film, condamné à n’être plus qu’un légendaire
personnage de fiction, à l’image du monteur fou, qu’il interprétait il y a
quelques années dans son King Lear. A noter que pour les
fainéants qui rechignent à voir les neufs segments du film, Godard a fait un
montage plus court, intitulé Moments choisis des Histoire(s) du Cinéma,
sorte de best of condensé et conclusion de son œuvre, mais qui peut aussi faire
office d’introduction.
12. Cowboy Bebop de
Shînichiro Watanabe (1998) Jap.
J’ai longtemps considéré Evangelion de Hideaki Anno comme la plus belle série d’animation japonaise. Mais en la revoyant, si l’évidence de son génie était toujours aussi claire, Evangelion m’apparaissait comme de plus en plus lié à l’adolescence, et à la description des troubles de cette période (et c’est certainement une des meilleures œuvres, tout arts confondus, sur ce sujet). A l’inverse, Cowboy Bebop, qui m’apparut en premier lieu un peu superficiel, gagna avec les années en profondeur au point de surclasser dans mon panthéon personnel le tour de force expérimental d’Anno. Les thèmes abordés sont universels et intemporels, alors que l’univers qui y est décrit est d’une rare richesse. Mais c’est surtout le mélange des genres (film noir, western, comédie, science-fiction, road-movie, etc.) qui fait toute la saveur de la série : c’est bien simple : tous les genres s’y trouvent confondus. Le ton de la série est aussi inclassable, mélange de fun et de mélancolie, qui donne une profondeur décontractée à ses personnages tel qu’on n’en avait pas vu depuis le duo Sunny Crocket et Ricardo Tubbs. Au fil des épisodes, chaque personnage (et Spike Spiegel en tête, mais c’est même presque valable pour tous les seconds rôles) gagne en réalité alors qu’un étau tragique se resserre sur lui, tout en sachant rester fun et cool. Jamais des figures dessinées n’ont été aussi complexes et attachantes. Si la vie est un rêve, Cowboy Bebop est certainement un des plus beaux d’entre eux. See you, Space Cowboy…
11. Pulp Fiction de Quentin Tatantino (1994) USA.
Après avoir été découvert à Sundance avec Reservoir Dogs, Tarantino connaît la consécration à Cannes avec son second film, palmé par M. Eastwood lui-même. Et il faut dire que le dirty Harry ne s’est pas trompé, tant Pulp Fiction accède au rang de chef d’œuvre instantané, dont on mesura immédiatement l’influence. Si le terme de « film culte » est galvaudé, il faut avouer que celui-ci le mérite, tant tout une génération connaît ses dialogues (et sa BO) par cœurs, du « Everybody be cool, this is a robery » du début au fameux : « LE Big Mac ». Je crois même qu’un regain d’intérêt pour la religion a frappé une bonne partie des spectateurs, tant on croisait après la sortie du film de personnes connaissant Ezekiel 25:17 et le récitant à tout bout de champs. Plus encore que Reservoir Dog, le film donnait le coût d’envoie au style post-moderne de Tarantino, qui allait alors devenir un DJ cinématographique fou mitraillant dix références à la minute. Mais ce sont surtout les situations et quelques scènes qui restent ancrées dans ma mémoire : Travolta et Umma Turman gagnant leur concours de danse, Bruce Willis se retrouvant nez à nez avec Marcellus Wallace avant un fight mémorable qui les mènera dans la mauvaise boutique, Samuel L. Jackson épargnant un petit braqueur après avoir annoncé qu’il va maintenant aller faire le bien de village en village comme David Carrradine dans la Kung Fu série, Christopher Walken ramenant une montre au destin peu commun, etc. En y réfléchissant, tout le film n’est qu’une succession de scènes mémorables, et rien qu’y repenser apporte une joie délectable. Pas de plaisir cinématographique plus gratuit et plus direct que celui que nous offre ici Tarantino.
10. Old Boy de Park Chan-Wook (2003) Cor.
Je dois avouer que Sympathie for Mr. Vengeance m’avait laissé sceptique: je trouvais que le mélange de réalisme brutal et cru et d’héroïsation lyrique à la John Woo ne prenait pas et créait un style bancal. Quelle erreur : ce style atteint sa maturité dans Old boy et crée une œuvre totalement virtuose et originale. S’il a par la suite souvent été copié au point de devenir le maître étalon du cinéma coréen, la force du film est restée intacte et inégalée. L’unité dans la rupture y atteint un point de perfection : violence stylisée, ruptures de tons, thématiques scabreuses, virtuosité de la mise en scène, lyrisme de la musique, iconisation des personnages, Old Boy a tout du chef d’œuvre pop. Le film apparaît comme une synthèse parfaite du manga japonais et du cinéma Hongkongais, qui se permet toutes les audaces. On y voit presque toute la culture populaire asiatique reduxé de manière moderne par la sensibilité coréenne, avide d’y tenir dorénavant une place de choix. Mais au-delà de la maîtrise formelle parfaite, le film est aussi une magnifique histoire de déchéance humaine, qui voit un homme détruit dans sa quête de vengeance. L’âme humaine y est aussi auscultée dans toute sa noirceur et sa médiocrité, avec un pessimisme poétique rarement atteint.
9. The Texas Chainsaw Massacre
(Massacre à la Tronçonneuse) Tobe Hooper (1974) USA.
Certainement le film le plus effrayant jamais réalisé. Et pas pour ses excès gores, largement surévalués par rapport à la réalité du film, mais bien pour son atmosphère poisseuse et répugnante, son ambiance crade et sordide, qui fera réfléchir à deux fois quiconque planifie un road-trip au Texas. Dès le début, le ton est donné, avec le passage devant un vieil abattoir désaffecté, qui pue encore pourtant la mort, d’une bande de jeunes traversant le Texas. Tout est fait pour dégoûter, des paysages traversés, à l’handicap de l’un des personnages, jusqu’aux local taré pris en stop. Mais la suite est bien pire encore, entraînant le spectateur dans un audacieux crescendo horrifique. Même s’il ne s’agit pas vraiment d’un film d’horreur contestataire, la vision des Etats-Unis que donne Hooper fait froid dans le dos, tant la monstruosité décrite dans le film s’amuse à prendre les trait de l’Amérique profonde et le visage de la normalité (au sens propre ici, puisque la famille texane tarée décrite représente les valeurs américaines, alors que Leitherface découpe et porte comme masque les visages des citadins qui croisent sa route, comme pour leur ressembler). Cette atmosphère anxiogène et la vision d’horreur qui lui succède et qui brouille les frontières entre la folie et la monstruosité est développée par Tobe Hooper grâce un style expérimental, qui rend, à force de musique bruitiste atonale et de coupes incessantes, la vision du film à la fois insupportable et fascinante. Remarquablement mise en abîme, la vision du spectateur est éprouvée et interrogée dans sa capacité à prendre du plaisir à ce spectacle malsain inhumain, interrogeant ainsi sa propre normalité. L’intensité du film culmine lors d’une effroyable scène de repas et d’une interminable course poursuite qui prend véritablement aux tripes, dans un mélange de dégoût et d’admiration. C’est à la fois remarquablement intelligent et extrêmement trouble.
8. Shichinin no Samourai (Les Sept Samouraïs) de Akira Kurosawa (1954) Jap.
Mourir dans la boue dans une guerre qui n’est pas la leur, étrangers incompris des gens qu’ils essayent de protéger, voilà le destin de ces sept samouraïs engagés par des paysans pour protéger leur village d’une attaque de brigands. On dit souvent d’un épique film qu’on a assez apprécié : « C’était pas mal, mais ce n’est pas Les sept samouraïs», hé bien là, c’est Les sept samouraïs et le film mérite non seulement sa réputation, mais est encore incroyablement plus riche qu’elle. Car si le côté drame épique reste encore aujourd’hui indépassable, avec son impressionnante bataille finale, magnifique et pathétique à la fois, le film regorge aussi de passages bouleversants. Au hasard, la scène où un des paysans retrouve sa femme qui s’est vendus aux brigands est un sommet cinématographique absolu. Le paysan a mis le feu au repère des brigands endormis dans lequel se trouve aussi sa femme. Celle-ci se réveille, voit le feu se propager, étouffe un cri avant de choisir de se suicider en brûlant, mi par peur de réveiller les brigands prématurément, mi par honte de se retrouver face à son mari. Le plan sur le visage à peine réveillé de la femme qui choisit de mourir me fait presque pleurer à chaque vision. Mais c’est bien sûr à la fin que l’émotion connaît son apogée, lorsque ces nobles personnages finissent avec honneur, mais sans gloire. Je pense notamment au personnage de Kikuchiyo, interprété par Toshirô Mifune, qui apprend dans le sang à être un véritable samouraï, lui qui se reconnaît trop bien dans la vie de ces paysans qu’il a pourtant choisie d’abandonner. Voilà certainement le premier chef d’œuvre absolu de ce classement.
7. Il Buono, il brutto, il cattivo (Le Bon, la Brute et le Truand)
de Sergio Leone (1966) It.
Puisqu’on parlait de Kurosawa, il faut maintenant évoquer Leone, qui n’a pas seulement dynamité les codes du western américain, mais qui a aussi allégrement pioché dans celui de Kurosawa. Alors que Pour une poignée de dollars était un remake à peine déguisé en Cow-boy de Yojimbo, le personnage de Tuco dans ce film doit justement beaucoup à celui de Kikuchiyo évoqué plus haut. Inutile de revenir sur le génie grandiose du film, qui m’apporte joie et extase à chaque vision et cela depuis mon plus jeune âge (c’est typiquement le genre de films qui nous suivent avec le même bonheur de l’enfance à la vieillesse avec le même bonheur), tant Le bon, la brute et le truand doit déjà avoir connu tout les superlatifs sur tous les autres blogs de cinéma. Mais un petit mot sur Tuco ne semble pas être superflu, tant c’est lui qui à mon sens, comme Cheyenne dans Il était une fois dans l’Ouest, apporte le petit plus d’humanité au film, nécessaire à rendre attachant ce grand chef d’œuvre moderne. C’est surtout dans l’admirable version italienne que son personnage est le plus développé, notamment dans la scène ou il rencontre son frère religieux. Après son départ du monastère dans lequel il officie, il étouffe son regret et ses larmes dans un gigantesque et tonitruant éclat de rire. J’ai longtemps admiré la désinvolture amorale des personnages de Leone, c’est maintenant plus la contrainte qu’ils ont de porter ce masque pour survivre alors que leur vie recèle de bien tristes recoins (souvent dévoilés dans les fameux flash back cotonneux) qui me touche dans son cinéma.
6. City Lights (Les
lumières de la ville) de Charles Chaplin (1931) USA.
Cacher les larmes sous le rire, c’est tout l’enjeu du cinéma de Chaplin depuis
le Kid. Mais en 1931, Chaplin ne prend presque plus la peine de
dissimuler son mélodrame sous la comédie. Il y a bien sûr des scènes d’une
irrésistible drôlerie dans Les Lumières de la ville , et notamment un
génial combat de boxe ou une hilarante scène d’ouverture, mais c’est le
pathétique et la tristesse qui dominent dans cette histoire de clochard qui essaye
d’aider une pauvre fleuriste aveugle. Même dans la comédie, c’est un sentiment
nostalgique qui prévaut, aiguillé par le regard plein d’humanisme et d’espoir
dans le malheur de Charlot. Si le film ne parle pas, Chaplin ne croyant pas en
1931 au gadget du cinéma parlant et se contente se sonoriser son film, il dit
beaucoup et porte la force dramatique du cinéma de Charlot à son paroxysme. A
voir par exemple avec quelle maestria est orchestrée la rencontre entre Charlot
et la jeune aveugle, pour que celle-ci le confonde avec un riche gentleman
(scène qui fut un vrai casse-tête à rendre crédible pour Chaplin). Ou encore la
fin, monument émotionnel, qui voit les « retrouvailles » déchirantes entre les
deux protagonistes. Le film le plus tristement drôle du cinéma.
5. Chungking Express de Wong Kar-Wai (1994) HK.
Tous les
admirateurs d'In the Mood for love qui ne connaissent pas ce
film devrait se jeter dessus, et voir à quel point l’esthétique magnifique et
la mélancolie discrète de Wong Kar-Wai peut aussi se conjuguer avec une totale
impression de liberté et d’inventivité, qui enchaîne naturellement dix idées de
mise en scène inédites à la minute. Dans un récent revirement cannois sur Wong
Kar-Wai, Les Cahiers du cinéma se demandaient si l’on pouvait construire
toute une filmographie sur des histoires de boîtes d’ananas périmées. Quand
elles sont filmées comme ici, quand elles s’universalisent en montrant le
pouvoir émotif que l’on transfert parfois aux objets, bref, quand elles
représentent si bien la vie dans ce qu’elle a de plus beau et dans ses détails
qui signifient parfois tant, les histoires de boîtes d’ananas périmées sont les
plus belles du monde, et j’aimerai parfois ne voir que ça. Wong Kar-Wai se fait
ici le maître d’un cinéma impressionniste filmant par touches minimalistes la
vitesse de la vie moderne, ses incompréhensions, ses ratés, captant le présent
et sa fuite immédiate avec une virtuosité renversante. Les deux histoires du
film se touchent à peine mais nous touchent également profondément. Et l’on se
surprend à rêver après le film de Californie avec Faye Wong. Si je considère Chungking Express comme le plus beau des films de
Wong Kar-Wai, je ne saurai que trop conseiller de se tourner aussi vers Les Anges déchus , qui le complètement de manière désinvolte et branché, et Les Cendres du temps , magnifique et atypique Wu Xia Pian tourné simultanément
par l’auteur de (pas seulement) In the Mood for love.
4. Bullet in the head de John Woo (1990) HK.
Une balle dans la tête: voilà en
effet l’impression que donne ce film au spectateur après avoir vu ce chef
d’œuvre viscéral. Le film de John Woo relate une amitié déchirée par la guerre
(la fresque commence en 1967 à Hong-Kong et passe par le Vietnam), la quête de
pouvoir et l’appât du gain. Si la maestria stylistique des gunfights qui a fait le succès du réalisateur du Killer est
bien présente dans d’impressionnantes chorégraphies meurtrières, le film est
surtout le plus personnel de son auteur, qui pioche dans ses propres souvenir
pour narrer le début du film, et aussi son plus ambitieux. Ca ressemble parfois
à un gigantesque bordel émotionnel, ou se mêle le sang et la violence, tant
l’histoire et les événements extérieurs (guerre, émeutes, etc.) sont les exacts
reflets des tourments internes des personnages. Même la naïveté que le film
n’évite parfois pas se rapproche du sublime dans ce film paroxystique, ou tous
les défauts sont effacés par une sincérité et un premier degré confondant. Le
trio d’acteur est aussi époustouflant, de Jacky Cheung, qui fait ressentir avec
force sa douloureuse descente aux enfers, à Lee Waise, terrifiant quand son
obsession pour l’argent lui fait perdre toute humanité, en passant par Tony
Leung, qui livre sa meilleure performance dans une scène terrible qui reprend
celle de la roulette russe de Voyage au bout de l’enfer. Nicolas Cage se
souviendra dans Volte/Face comment
miner le rire quand c’est le désespoir qui l’accable.
3. Fight Club de David Fincher (1999) USA.
Fincher est à mes yeux le cinéaste américain le plus important apparus ces dernières années et Fight Club est pour l’instant son œuvre majeure, qui cristallise les peurs et angoisses de toute une époque, voir de toute une civilisation. Ce n’est pas tant la virtuosité esthétique du film qui m’a fasciné lors de sa vision, mais l’acharnement avec laquelle il interroge notre société dans son rapport trouble à la violence, la rébellion, ou la consommation. Et cela est médiatisé par un parcours personnel, le film épousant la subjectivité d’un narrateur sans nom, représentant anonyme d’une génération sans personnalité et sans opinion, sujette à devenir rapidement ce qu’elle croit combattre et rejeter, en s’inventant un discours rebelle et vide, qui prend le visage de la star Brad Pitt. En plus de poursuivre sa réflexion sur l’obsession du mal et l’intériorisation de celui-ci qu’elle provoque, qu’il ébauche depuis Alien3 et développe encore magistralement dans son récent Zodiac, Fincher nous offre (encore une certes) une des plus belle fin de l’histoire du cinéma, où un monde est détruit alors que s’ouvre une conscience au son des Pixies. Jamais un film n’aura poussé si loin l’opposition entre sa forme facile et fun et la réflexion (dans les deux sens, qui pousse à penser et comme retour sur soi-même) qu’elle implique. Loin d’être un film malin et virtuose, Fight Club est un abyssal chef d’œuvre théorique dont on est encore loin d’avoir mesuré l’importance.
2. Pat Garrett and Billy the Kid de Sam Peckinpah (1973) USA.
“Pat Garrett et Billy the kid, c’est comme si Antonioni filmait un Western” entend on dans les bonus du DVD. Eh bien en fait, c’est beaucoup mieux que ça, puisque c’est Peckinpah qui filme la vie, la mort l’attente et l’amitié trahie. Ca commence avec la mort, celle misérable de Pat Garrett et d’une certaine idée de l’Ouest. Quand le film débute, tout est donc déjà perdu et fini. Mais puisqu’on revient un peu en arrière, puisqu’il reste encore quelques reliques de l’Ouest d’antan, on va attendre tranquillement leur fin, en sirotant un whisky dégueulasse et en écoutant Bob Dylan. Et la mort viendra soudainement, et certainement d’une balle dans le dos. Film des illusions perdues, ballade en forme de requiem Folk, Pat Garrett et Billy the kid est aussi une ode à la liberté et à la jeunesse qui préfère se sacrifier plutôt que de capituler. Kriss Kristofferson incarne avec nonchalance et désinvolture cette idée, poursuivi par son double et ancien ami interprété par James Coburn, qui a choisi de se ranger et a pour l’occasion vendu son âme. Car le conformiste qu’incarne Pat Garrett ne va pas sans compromission, s’il a maintenant une belle maison et une étoile de sheriff, Pat Garrett a aussi perdu son humanité. « You’re empty inside », lui crache au visage sa femme lorsqu’il rentre chez lui. Toute la mythologie de l’ouest crépusculaire est réunie dans ce film à la nostalgie à la fois joyeuse et pessimiste. Car bientôt, comme le chante l’interprète d’Alias dans le film : “It's gettin' dark, too dark for me to see, I feel like I’m knockin' on heaven's door”.
1. La Maman et la Putain de Jean Eustache (1973) Fr.
Et voilà pour moi le plus beau film du monde. Celui qui raconte le mieux
l’échec de l’amour, la force de l’art, les illusions de la vie,
l’incompréhension des gens. Ce n’est pas un film facile, puisqu’en plus de son
pessimisme, le film est long, en noir et blanc, avec des dialogues très écrits
récités plutôt que joués, et qu’il adopte un style post-nouvelle vague
(éclairages naturels, son direct, une prise environ par plan pour la vitesse
d’exécution). Mais jamais film ne s’est trouvé si beau et si pur d’être
débarrassé de tout l’artifice de la vraisemblance cinématographique. Il reste
Jean-Pierre Léaud, qui réussi à rendre sympathique un salopard égocentrique et
prétentieux, et sa double et tragique histoire d’amour avec Bernadette Lafont
et Françoise Lebrun, double fictionnelle, revisitée et réécrite, de celle de
Jean Eustache avec la même Françoise Lebrun. Le cinéma rejouant la vie la
rejoint avec des accents proustiens dans cette manière de montrer la réalité en
se passant de réalisme. « Le faux, c’est
l’au delà », disait Eustache, qui a réussi avec ce film un miracle bien
au-delà de (presque) tout le reste du cinéma.
Nota bene : Bien sûr, quelques chefs d’œuvre absolus (comme 2001
ou Le Parrain II) manquent à ce classement, mais certains films
ne peuvent qu’être classés premier. Et comme il serait ridicule de mettre
plusieurs numéros 1, tout comme il serait absurde de les classer ailleurs, j’ai
tout simplement décidé de ne pas les évoquer. Dommage aussi de n’avoir que 20
places, ce qui demande d’énormes sacrifices (Ed Wood ou Last action hero valent
bien dans mon cœur certains films de ce classement), mais j’ai essayé d’être le
plus éclectique et sincère possible en choisissant parmi les films qui m’ont
personnellement le plus touché. En espérant avoir un peu donné envie de
découvrir ces films à ceux qui ne les connaissent pas, et aux autres de les
revoir sous un nouveau jour.
Bonus : Pour compléter ce classement, deux autres listes bien plus récentes, celle de mes 10 meilleurs films de 2009, et une tentative de classements de mes films préférés de la décennie qui vient de s’achever.
TOP 10 2009.
1. The Wrestler de Darren Aronofsky (US).
2. 24 City
de Jia Zhang Ke (Ch.).
3. Import/Export d'Ulrich Seidl (Autr.).
4. Inglorious
Basterds de Quentin Tarantino (US).
5. Public
Enemies de Michael Mann (US).
6. The Chaser
de Na Hong-jin (Cor.).
7. Les
Seigneurs de la guerre de Peter Chan (Ch.).
8. Tokyo
Sonata de Kiyoshi Kurosawa (Jap.).
9. Les
derniers jours du monde des Larrieu (Fr).
10. [Rec] 2
de Jaume Balaguero et Paco Plaza (Esp.).
TOP 15 des années 2000.
1. Mulholland Dr. (Lynch).
2. Kill Bill (Tarantino).
3. Rois et Reine / Ester Kahn (Desplechin).
4. Incassable
(Shyamalan).
5. The Royal Tennenbaum (Anderson).
6. Old Boy (Park).
7. Aviator (Scorese).
8. Eloge de l'amour (Godard)
9. Exilés (To).
10. The Prestige (Nolan).
11. Kaïro (Kurosawa).
12. Battle Royal (Fukasaku).
13. The taste of Tea (Ishii).
14. Into the wild (Penn).
15. Martyr (Laugier).